C’est quoi la crème de marrons ?
D’après la DGCCRF, qui peut filer des prunes si vous ne faites pas bien la confiture, la crème de marrons est « le mélange, porté à la consistance appropriée, d’eau, de sucres et de purée de marrons. La quantité de purée de marrons utilisée pour la fabrication de 100 grammes de produit fini n’est pas inférieure à 38 grammes ». On est donc très proche de la confiture à base de châtaignes, qui comprend des châtaignes bien épluchées et cuites, avec de l’eau et du sucre, et un minimum légal de 35g de fruit pour 100g. S’il y a au moins 45g de fruit on parle de confiture extra.
Crème ou confiture ? A 3 grammes près, facile de passer de l’une à l’autre. D’autant que la « consistance appropriée » de la crème, subtilité de l’administration française, laisse la place à l’interprétation…
Marrons ou châtaignes ? La châtaigne vient du châtaignier, dont il existe de nombreuses variétés, et elle est comestible. Le marron vient du marronnier et il n’est pas comestible. Le marron de la crème de marron est ici simplement un nom d’usage pour la châtaigne.
Les châtaigniers sont nombreux dans notre beau pays, surtout sur le pourtour méditerranéen et dans le Sud-Ouest. C’est un arbre majestueux qui peut atteindre des dimensions impressionnantes et qui, parait-il, peut vivre 1000 ans. Il en existe plusieurs variétés, d’origine naturelle ou hybrides. Son fruit, la châtaigne, est entourée d’une bogue couverte de piquants. Il y a toujours plusieurs châtaignes par bogue. La châtaigne est entourée d’une coque d’une belle couleur brun brillant mais parfaitement indigeste. Du côté pointu il y a une petite touffe appelée la torche. Il faut retirer la coque pour atteindre l’amande, mais celle-ci est également entourée d’une pellicule appelée le tan, tannique comme son nom l’indique, qu’il faut aussi retirer. Pas mal de travail donc avant d’arriver au fruit, ce qui explique que certains fabricants peuvent être tentés de faire le travail à moitié. C’est tentant de laisser du tan quand on n’a pas le temps. D’où couleur plus sombre et amertume…
Les variétés de châtaignes ont des noms poétiques : Comballe, Figarette, Sardonne, Merle, Pellegrine… On se croirait un soir d’été, respirant les parfums d’une châtaigneraie d’Occitanie.
Les qualités nutritives de la châtaigne sont connues depuis l’antiquité. On peut les consommer bouillies, grillées, en faire de la farine, de la purée, de la confiture, les confire (le fameux marron glacé), les ajouter dans des gâteaux, etc.
Après récolte, la préparation est assez longue car les châtaignes doivent tremper dans l’eau une dizaine de jours, avec l’eau renouvelée tous les jours, ceci pour éliminer les parasites et favoriser la conservation. Les châtaignes qui remontent à la surface sont éliminées. Elles sont ensuite épluchées. Les plus belles feront des marrons glacés. Les autres seront soit cuites pour faire des châtaignes en bocaux ou en confiture, ou séchées pour faire de la farine.
Comme pour les smartphones, le premier pays producteur est la Chine (715 000 tonnes en 2004). En Europe c’est l’Italie (50 000 tonnes), puis le Portugal, la Grèce et la France (10 000 tonnes). En France comme la production ne suffit pas à la demande, on en importe. D’où ? Demandez aux confituriers et ils vous répondront qu’ils n’importent que des châtaignes de qualité. Qualité est un vaste pays mais pas trouvé sur Google Maps. Ni sur Qwant Maps d’ailleurs.
Mais revenons à notre crème de marrons. C’est très facile à faire : on fait cuire les châtaignes dans l’eau quelques minutes, on enlève la coque (facile), on enlève le tan (bon courage), on écrase, on mixe et on remixe, on rajoute un sirop de sucre, si on veut de la vanille, et on fait cuire 15 à 20 min. C’est tout. Tout ce qu’on peut mettre en plus est parfaitement inutile. Une variante consiste à faire cuire les marrons non mixés dans le sirop et de mixer à la fin.
L’ennemi de la crème de marrons c’est les additifs. Et le pire : le gélifiant. Certains fabricants, qui pensent peut-être que la crème de marrons est une confiture, rajoutent de la pectine de fruit (extrait de pulpe de pommes). Erreur fatale. La pectine, qui n’apporte en principe pas de goût, change radicalement la texture très particulière de la crème de marrons (qui lui donne cette suavité douce, très légèrement farineuse) et la rend plus liquide, voire gluante. C’est d’autant plus dommage que la composition de ces crèmes de marrons additivées est parfois prometteuse : de bons marrons, du sucre et un peu de vanille. Pour une papille un peu exercée, c’est quasiment instantané : tout le potentiel est anéanti par cette affreuse sensation collante qui envahit la bouche. Pour une raison qui m’échappe ce sont surtout les crèmes de marrons « bio » qui sont affligées de ce défaut. Question bête : la pectine, on peut s’en passer non ?